La révélation, il y a quelques jours, d’un scandale de bizutage d’étudiants de médecine à Caen a frappé l’opinion publique.
Outre les pratiques humiliantes, traumatisantes et sexistes, de nombreux témoignages ont par la suite dévoilé le mal-être qu’ont pu engendrer de telles pratiques chez de nombreux étudiants tout au long de leurs parcours.
Cette brusque médiatisation doit cependant aujourd’hui nous interpeller plus largement : car oui le bien-être scolaire, de l’école à l’université est une problématique encore trop sous-estimée.
De nombreux travaux, nous citerons particulièrement ceux d’Eric Debarbieux en France, démontrent que la nature du climat scolaire, notion reliée à la perception individuelle de la qualité de vie à l’école, est absolument décisive pour réussir une scolarité.
Cependant, ce constat n’est que trop souvent voeu pieux tant les chiffres sont imparables. Une enquête du Fil Santé Jeunes nous indiquait en 2014 que 58% des jeunes interrogés ont été victimes de harcèlement durant leur parcours scolaire/universitaire.
La réalité est peut être encore pire : qui d’entre nous n’a jamais été à un moment donné confronté à une situation de mal-être ou d’angoisse vis-à-vis de ses études ? Encore pire, qui n’a jamais, le plus souvent inconsciemment, pu participer au mal-être d’un camarade ?
Une enquête de l’OCDE indiquait en 2012 que seulement 21,4% des enfants de 11, 13 et 15 ans aimaient aller à l’école. Un résultat nous plaçant dans les profondeurs des classements internationaux. L’enquête évoquant, outre les mauvaises relations entre élèves, la pression dûe aux notes, au redoublement et aux parents.
Ce constat ne s’arrête cependant pas au système scolaire. Dans l’enseignement supérieur le mal-être s’exprime de façon encore plus visible. Dépressions, crises d’angoisses et suicides sont des problèmes moins rares qu’on ne le pense.
La compétition instaurée dès l’école atteint son sommet à l’université : dans certaines filières (nous pensons évidemment à la médecine) la pression du classement final pousse à l’individualisme le plus extrême, dans certaines écoles, la pression du débouché le plus ‘’prestigieux’’ à la compétition la plus féroce.
Alors oui, il est indéniable que les problèmes de décrochage scolaire, d’échec à l’université, viennent en grande partie d’un climat scolaire dégradé. L’instauration précoce d’un esprit de compétition, les idées reçues, les préjugés scolaires sont les réelles priorités à combattre pour enrayer ces phénomènes et améliorer nos performances de notre système. Les nombreuses études internationales démontrent d’ailleurs l’importance d’une plus grande coopération à l’école pour favoriser la confiance et l’émulation.
Le climat scolaire est un agrégat de dispositions matérielles, relationnelles et institutionnelles qui nécessite une prise de conscience de chacun et une croyance en une école bienveillante. De nombreux enseignants sont encore démunis face à ce sujet, il est très urgent que la formation initiale se penche bien plus largement sur la question.
Demain, dans le système scolaire, il faudra aussi accentuer la réflexion autour de la place de l’élève dans les apprentissages, rappeler quotidiennement dès l’école primaire les valeurs d’égalité et de respect et même inciter les élèves eux-mêmes à aider leurs camarades en situation de mal-être (via les conseils de vie collégienne/lycéenne notamment).
Demain, dans l’enseignement supérieur, il sera nécessaire de sensibiliser davantage la communauté autour de thèmes encore trop tabous (bizutage, harcèlement…), derenforcer largement les moyens de nos services de santé, sous-financés, en instaurant une consultation annuelle pour chacun, et surtout de tolérer davantage l’échec, tout comme supprimer les numerus clausus facteurs de compétition acharnée.